29.05.2017

Causette le Mag: L’homophobie de l’État russe est aussi une manière de faire taire une expression libre et des combats d’avant-garde

C. : On se retrouve dans une situation totalement paradoxale où la Russie – pays qui a illustré, il y a quelques années, son homophobie dans une loi « anti-propagande gay » – se retrouve à jouer le gendarme sur le sujet dans l’une de ses régions…

S. K. : Les choses ont changé après que l’homosexualité a été dépénalisée en Russie à la chute de l’empire soviétique. Les gens ont commencé à sortir de leur cachette, assumer leur identité et prendre une place dans l’espace public. Cela n’a pas fait baisser l’homophobie, mais au moins, elle n’était plus soutenue par l’État. 
Maintenant, avec la loi entrée en vigueur, l’homophobie a retrouvé une justification légale et mainstream. Cette question est instrumentalisée pour diviser et contrôler la société civile. Elle permet de faire face à une certaine forme d’avant-garde et de résistance à l’omniprésence de diktats idéologiques d’États. Car les LGBT sont présents dans plein d’autres combats. Vous pouvez voir leurs drapeaux dans les manifestations d’opposition, dans les manifestations de solidarité contre des injustices diverses et variées, dans des manifestations contre la montée de l’extrême droite et plein d’autres luttes. Étant eux-mêmes victimes de l’injustice, ils y sont sensibles et se manifestent de manière active et organisée. L’homophobie de l’État russe n’est pas que de l’homophobie, c’est aussi une manière de tuer cette expression libre et indépendante. C’est l’instrumentalisation tout à fait politique et consciente d’un sujet d’égalité, de liberté et de possibilité d’être ce que nous sommes, ce que l’on veut être. Indéniablement, au-delà de la question sexuelle, le mouvement LGBT dérange l’État russe. C’est pour ça qu’il a créé tout un arsenal pour le stopper.

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